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Entrée 41 - Alger (à nouveau)

Parmi tous les événements des deux derniers mois, parmi tous les chemins empruntés, le retour à Alger a été de loin le plus long. Rétrospectivement, le voyage semblait voué à l'échec dès le départ, un grand voyage vers l'inconnu, au travers d’une mer de dunes. Peut-être nous sommes-nous pris pour les Argonautes d'antan en pleine odyssée, ou peut-être avons-nous cru au destin ou à la chance aveuglément. Quoi qu'il en soit, nous avons découvert à nos dépens que la chance ne sourit pas aux audacieux, mais aux personnes préparées, ce qui n'était clairement pas notre cas. Mais comment se préparer à une telle tempête de sable ?

Le retour fut une triste histoire. À la fin, il nous manquait une douzaine d'hommes et d'autres ont démissionné peu après. Ferguson, qui nous a une fois de plus rencontrés en personne, a évidemment mieux géré la situation que nous, n'ayant pas vu ce que nous avons vu. Elle a rapidement organisé une réunion avec l'ensemble des forces sur le pont de notre navire d'assaut désormais immobilisé, a fait le compte des pertes et nous a demandé de vérifier l'inventaire des fournitures dont nous avions besoin. Pour elle, il n'était manifestement pas question d'annuler l'opération. Étant habituellement une personne très avisée, qui sait quand il faut arrêter les frais, cela devait signifier que l'opération était dirigée à un niveau supérieur, très probablement par Murdoch en personne. En d'autres termes, il n'y a pas de retour en arrière possible.

C'est ce qui s'est confirmé dans la soirée lors d'une rencontre privée entre moi, Gail et Ferguson. Nous nous sommes rencontrés sur le cotre, dans les quartiers du capitaine, loin des regards indiscrets puisque le navire était ancré à l'extérieur du port. La plupart des marins étaient à terre pour un repos bien mérité et seul un équipage réduit était en poste - une occasion parfaite pour une discussion discrète.

"Alors," demanda Gail. "Où en sommes-nous réellement ? Dites-le-nous", ajouta-t-elle en posant son menton sur une main.

Ferguson semblait soudain plus fatiguée que jamais, tandis qu'elle baissait ses lunettes et se frottait le nez.

"Je ne vous mentirai pas. Ce n'est pas bien et, pire encore, c'est de plus en plus étrange. Votre mission..."

Elle marqua une nouvelle pause, comme si elle ne savait pas comment exprimer ses pensées.

"Vous n'avez pas remarqué quelque chose d’étrange ces deux derniers jours ? Quelque chose de vraiment bizarre à l'égard de toute l'opération ?"

Eh bien, c'est évident. Des gens qui disparaissent, des tempêtes de sable, des IA démentes, une guerre civile froide... il va falloir être plus précis. En ce qui me concerne, cet été n'a été rien d’autre qu'une (longue) promenade dans une maison hantée. Elle s'en rendit compte et décida d'aller droit au but.

"Dès que vous avez quitté Alger, nous avons commencé à remarquer des traces de la même énergie étrange que nous avons suivie grâce aux données de Legion. Tout au long de votre parcours. Vous avez signalé le sentiment d'être observé, une terreur intense, une sensation de nausée... ça ne vous rappelle rien ?"

Les yeux de Gail s'écarquillèrent.

"Le « Bleed » ?"

"Oui," acquiesça Ferguson. "Nous pensons. Il se passe quelque chose autour de vous. Quelque chose que nous n’expliquons pas… pour le moment."

C'était tout simplement fantastique. Mais ce n'était qu’un début.

"La tempête de sable à laquelle vous avez survécu a coïncidé avec un pic d'énergie impressionnant."

Je fronçai les sourcils.

"Donc c'était en quelque sorte... induit ? Artificiel ?"

"Oui. Et ce n’est pas tout : c'est vous qui en êtes la cible. D'une certaine manière, c'était même une sorte de bénédiction déguisée."

Nous l'avons tous deux regardée, incrédules.

"Quoi ?"

"Cela nous a permis non seulement de confirmer nos soupçons, mais aussi le lieu au Soudan qui semble d'une manière ou d'une autre lié à toute l'affaire. Monsieur Murdoch insiste pour que nous enquêtions. Quelles que soient les ressources dont Perihelion dispose en ce moment, elles ont été mises à notre disposition. Peu importe le coût."

Son ton était clair. Nous étions tous sacrifiables, même Gail avec son origine mystérieuse et moi avec mon "unicité".

"L'énergie ne ressemble à rien que l’on ait déjà vu. Le docteur Haswell pense qu'il s'agit d'une chose pouvant mettre fin au monde."

Cette allusion nous a fait frissonner, le souvenir de la vidéo étant encore relativement frais dans nos mémoires. Ferguson a conclu la réunion par :

"Le docteur Az'dule se joindra à vous pour l'expédition. Nous enverrons des renforts, de nouveaux équipements, des armes lourdes et tout ce que vous demanderez, si c'est en notre pouvoir. Et une fois cette mission achevée..."

Elle me lança un regard perçant.

"Samuel, tu seras un homme très riche. Et Gail", se tournant vers elle, "tu seras libre de faire ce que tu veux et tu auras un accès total à nos banques de données. Sans conditions."

L'argent, ça je comprends. Mais d'après ce que je savais de Gail, l'offre de Ferguson ne signifiait qu'une chose : Murdoch pensait probablement que nous ne serions pas en mesure de l'encaisser. Nous avons quitté le navire en silence.

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