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Guerrier éternel - Le Sherman a 75 ans

Auteurs : - PanzerAce and Life_in_Black

Il y a 75 ans, le design du M4 Sherman, le char moyen ayant rencontré le plus grand succès lors de la Seconde Guerre mondiale, passa victorieusement les tests de sélections pour postuler au remplacement du char moyen M3. Conçu à partir d'un cahier des charges établi par le département américain de la Défense le 31 août 1940, le projet retenu qui entra en production de masse était le plus simple parmi les 5 proposés, avec beaucoup de caractéristiques communes avec les chars Lee et Grant. Connu sous le nom de T6, ce char de 1941 était un véhicule moderne avec un blindage incliné qui hébergeait une couronne de tourelle d'un diamètre suffisamment grand pour accueillir un canon à haute vélocité de 75 mm, un canon qui manquait aux autres chars alliés comme le Crusader et le Ram. Cette caractéristique deviendra plus tard le standard à la fin de la Seconde Guerre mondiale et un prérequis pour tous les véhicules moyens aspirant au succès. La version de production du prototype de tank T6 deviendra célèbre sous le nom de M4 General Sherman. Aujourd'hui, nous allons examiner son héritage, en l'occurrence ses versions modernisées.

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M50 Sherman

Contrairement à ce qui est écrit dans le livre Death Traps de Belton Cooper (qui rapporte des faits inexacts), le Sherman était un bon char pour son époque. Vu sa résistance frontale contre les obus de 50 mm, ses impressionnantes performances anti infanterie et sa bonne capacité à être modernisé, il peut être considéré comme un char très fiable et performant. Sur le terrain, des chars lourds et plus sujets à problèmes, comme le Panther ou le très inconfortable T-34, n'arrivaient pas à égaler la versatilité du Sherman et la performance de son canon, surtout après qu'il ait adopté les canons de 76 mm et 17 Pounder. Après la guerre, ce véhicule fiable et peu cher fut largement exporté grâce à son excellent rapport qualité-prix, sa fiabilité mais également pour respecter la doctrine américaine de l'époque. Naturellement, alors que la conception de chars continue de progresser dans les années 50 et au-delà, de nombreux pays décidèrent de moderniser leurs Shermans afin d'en faire de performants véhicules antitanks. Des pays comme Israël, l'Argentine, l'Égypte et le Chili développèrent des améliorations conséquentes, avec des versions israéliennes qui écrasèrent des chars techniquement supérieurs lors de batailles - ce qui en fait d'excellents candidats pour se retrouver dans le panel de véhicules d'Armored Warfare. Aujourd'hui, 75 ans après sa conception, examinons les modernisations apportées aux Shermans à travers le monde entier.

La version israélienne est sans aucun doute la plus célèbre, appelée Super Sherman par ses concepteurs. Deux canons principaux furent utilisés, le M-50 et le M-51. Cependant, ils n'étaient pas conçus localement dans leur intégralité. À cette époque, l'industrie française de l'armement renouvelait sa production destinée à l'exportation avec plusieurs versions qui pouvaient être achetées afin d'être produites sous licence.

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M51 Sherman

Après avoir acquis des chars AMX-13 français en 1953, Israël acheta également le canon français de 75 mm CN-75 50 et commença à réfléchir à un moyen de l'adapter sur leurs M4 Sherman. Après avoir testé ce canon sur un véhicule automoteur M10, les Français décidèrent que la tourelle M3 allait être celle qui allait l'héberger, et ce design fut connu ensuite sous le nom de M-50. La première cargaison de M-50 arriva en Israël juste à temps pour connaître l'épreuve du feu lors de la crise du Sinaï en 1956, et Israël convertit ses vieux Shermans jusqu'au début des années 60.

Quand les Soviétiques commencèrent à expédier des armes plus modernes vers l'Égypte et la Syrie à la fin des années 50 (notamment des T-54/55), Israël commença à paniquer. En 1961, Israël fit de nouveau appel à la France pour améliorer ses Shermans. Cette fois, la modernisation consistait en un canon long de 105 mm, capable de détruire les derniers blindés soviétiques via l'utilisation d'obus HEAT. Le châssis du M4 fut sélectionné, ainsi que la tourelle T23. Le véhicule découlant de cela, le M-51, fit son entrée dans l'armée israélienne en 1962. Les M-50 et M-51 connurent les combats de la guerre des 6 jours et du Yom Kipour, et les M-51 connurent de bons résultats face à des chars plus performants, comme les T-62. Plus tard, ces Sherman furent affectés aux unités de réserve et finirent par être progressivement retirés du service ou vendus. Cependant, certains de ces tanks furent convertis en véhicules d'artillerie. Cela comprend :

M-50 155mm: Une tourelle française M50 de 155 mm montée sur le châssis de Sherman. Les modèles d'origine utilisaient la suspension VVSS et le moteur radial Continental R-975, et reçurent plus tard la suspension HVSS et le moteur Cummins VT8-460.

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L-33 Ro’em: es M-50 155 mm n'étaient pas très appréciés en raison de leur conception ouverte, offrant peu de protection à l'équipage. Cela conduisit au développement de nouveaux véhicules utilisant le canon Soltam M68 L/33 de 155mm, une arme produite sous licence par Tampella, une filiale de Soltam. Ce canon était entièrement recouvert par une superstructure.

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Makmat 160mm: Le Makmat 160 mm entra en service au début des années 60, en tant que transporteur lourd pour le mortier Soltam M-66. C'était une arme extrêmement performante, utilisée lors de la guerre du Kippour et à nouveau en 1982 pendant l'opération Peace for Galilee

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L'Égypte utilisa également le Sherman modernisé lors de combats. À la différence de la France et d'Israël, qui avaient modifié toute leur flotte de Sherman au cours des années 50 pour utiliser le moteur radial Continetal R-975, les Shermans égyptiens étaient tous des modèles M4A4 et le moteur Chrysler A4 fut remplacé par le biais moteur diesel 6046 de General Motors, ce qui donna des hybrides M4A4/M4A2. En ce qui concerne l'armement, l'Égypte opta pour la solution la plus facile, mais également la plus mauvaise, à améliorer leurs Shermans avec des tourelles AMX-13 FL-10 construites en France. Ces véhicules souffrirent lors de la guerre du Sinaï en 1956, et les Israéliens en capturèrent une douzaine pour les convertir ultérieurement en M-50.

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Sherman avec une tourelle FL-10

Le Chili a longtemps souhaité rester l'une des nations les plus puissantes d'Amérique du Sud. Déjà familiarisé avec le M4 Sherman via des exportations d'après-guerre américaines, le Chili décida d'acquérir des M-50 et des M-51 israéliens à partir de 1979. Les vieux moteurs Cummins étaient complètement usés et, au début des années 80, de nouveaux moteurs diesel Detroit 8V-71T furent adaptés dans les Shermans chiliens, avec l'aide d'Israël. Malgré le fait que le Chili ne considérait pas le canon de 105 mm du M-51 comme étant suffisamment efficace dans un rôle antichar, il était cependant considéré comme utile grâce à l'utilisation de puissants obus anti infanterie. D'un autre côté, les M-50 en 75 mm étaient considérés comme étant entièrement obsolètes et furent modernisés avec l'aide d'Israël pour adapter le nouveau canon 60 mm IMI HVMS, capable de pénétrer le blindage frontal d'un T-62 à 2500 m. Ce véhicule, avec son nouvel armement, fut connu sous le nom de M-60, bien que l'on ne sache pas si cette dénomination été officielle ou non. Les M-60 et M-51 servirent comme véhicules d'appoint pour l'armée chilienne pendant de nombreuses années, aux côtés des Leopard 1 et AMX 30 plus modernes. Il est intéressant de signaler que les M24 Chaffee chiliens furent réarmés avec le même canon de 60 mm HVMS.

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M60 Sherman

L'Argentine se retrouve entraînée dans la course à l'armement avec le Chili, et ressentit le besoin d'acquérir une meilleure arme antitanks pour lutter contre des menaces potentielles. Une modernisation identique au M-51 israélien fut choisie au milieu des années 70. Avec l'aide de la France, les Shermans Firefly furent équipés d'un canon de 105 mm CN-105-57 L/44 et les moteurs furent remplacés par le moteur diesel français Poyaud 520 de 325 chevaux Cette conversion fut appelée Repotenciado. Elle servit en Argentine jusqu'à son retrait au début des années 2000, bien après l'entrée en service de son remplaçant, le char léger TAM.

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Sherman Repotenciado

Il existe également quelques versions d'après-guerre moins performantes et moins connues des Shermans. En Yougoslavie, le canon de campagne soviétique de 122 mm A-19 fut monté sur un Sherman, avec un moteur de 500 chevaux récupéré sur un T-34, pour essayer d'améliorer le rôle antichar et la durée de vie du véhicule. Ce projet, connu sous le nom de SO-122, fut cependant annulé : la tourelle exiguë et l'angle d'élévation ridicule du canon l'empêchaient d'apporter du soutien à l'infanterie, ou même d'effectuer des tirs indirects. L'Inde effectua également des expériences avec le M-50, en y adaptant les canons D-56T et CN-50 récupérés respectivement sur les tanks PT-76 et AMX-13, lors des guerres entre l'Inde et le Pakistan. Cependant, en raison des avantages du PT-76 et de la protection marginale du Sherman face a ces chars, cette conversion ne fut pas popularisée et il n'existe qu'un seul exemplaire de chaque.

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SO-122, photo par Predrag Popovic

Bien que la plupart des Shermans sont aujourd'hui retirés du service, il existe encore quelques pays qui l'utilisent pour leur armée. Le Paraguay a récemment réactivé ses chars Repotenciado, donnés par l'Argentine, à des fins d'entraînement aux côtés de leurs autres antiquités de la seconde guerre mondiale, des chars légers M3 Stuart. Bien que ces chars sont totalement obsolètes comparés à des véhicules modernes, il y a cependant une chance pour que le puissant canon de 105 mm chargé avec des obus HEAT ou HESH, et même le canon de 37 mm du Stuart, puisse être utilisé pour combattre des véhicules légers, de l'infanterie ou des chars plus anciens.

Selon la chronologie des événements d'Armored Warfare, le Sherman de base aurait plus de 100 ans. Cependant, les M-50 / 60, M-51, Repotenciado, M4 FL-10, SO-122 et autres versions adaptées pour l'artillerie peuvent, en théorie, être employées en tant que véhicules figurant dans les rangs inférieurs, en tant que chasseurs de chars ou engins d'artillerie, si les sociétés militaires privées qui les utilisent se cantonnent à des conflits de basse intensité.

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